Ces caricatures qui nous gouvernent

Ces caricatures qui nous gouvernent par RAJ

Mes excuses aux « parlemen-teurs » qui, la semaine dernière, se sont vus traiter de « parlemen-taires
», à l’encontre de l’honneur qui leur est décerné dans le « Pré-Farce » de ce dernier livre du professeur-écrivain Castro Desroches qui, j’affirme, sait bien décrire, caricatures à l’appui, « Ces caricatures qui nous gouvernent ».
En effet, M. Desroches prend un malin plaisir à nous faire « mou-rire de rire », comme je l’avais écrit dans la précédente édition du journal. Car, faire autrement, il nous laisserait dans un état lamentable, dépités, que nous serions, en pensant au sort de la République d’Haïti, devenue « République bananière ». Dire que cette déchéance découle du dévouement d’un « président de Conseil électoral » n’ayant « plus envie de travailler » parce que son titre lui a permis de se retirer de la scène comme s’il avait « gagné le gros lot du loto de New York ». C’est rigolo, cette caricature, avec une pile de dollars à ses pieds, tandis qu’avec l’index et le majeur — des « dwèt » extrêmement longs — il continue à compter ses dollars. On comprend comment l’on réussit ces « zélections » dans ce pays zombifié.
Voilà qu’au deuxième paragraphe seulement, j’ai déjà atteint la conclusion d’une œuvre qui nous fait revivre, toujours avec des caricatures, les moments forts de cette expérience de « comédiens, farceurs, bêtiseurs » alliés aux « marchands ambulants, trafiquants de farine et d’herbes folles » devenus « chanteurs, maîtres chanteurs, musiciens de palais (. . .) et même chefs d’État » qui ont fait d’Haïti cet «
état lamentable », vilipendé par le président américain l’assimilant à une fosse d’aisance. Et certains
de dire que le président Donald Trump s’est inspiré d’un homologue haïtien passé maître débiteur d’insanités au relent nauséabond. Pour la caricature du président américain, il faut se référer à « Caricatures de République bananière », mis en circulation deux mois avant « Ces caricatures qui nous gouvernent », toutefois dans la même tradition, celle de nous présenter, via les caricatures, « une ribambelle de personnages hauts en couleur ».
Revenons à nos moutons. Que dis-je, au chat, aux pintades, à l’oiseau de mauvaise augure, à l’âne volant et même au serpent dans le style du proverbe créole repris en français : « Amener la couleuvre à l’école est une chose; lui enseigner la civilité, ça c’est autre chose ». Vraiment, il y a de quoi « mou-rire de rire ! », sinon de pleurer jusqu’aux larmes.
La situation que confronte la nation avec le scandale PetroCaribe donne à réfléchir à un certain président qui, couteau et fourchette en main, devant un steak saignant, s’épouvante, tout en disant : «
À chaque fois que j’entends le mot ‘corruption’, je ne me . . . sens plus dans mon assiette ». Mais il y a l’autre qui s’en fout de ceux qui n’ont pas mis en lieu sûr leur butin de PetroCaribe. Oyez : « La gourde haïtienne bat de l’aile ? », questionne-t-il. Oiseau qu’il est, il montre ses trente-deux, tout en prenant vol et annonçant à qui veut l’entendre : « Pas de problème. Moi, j’ai toujours volé en dollars américains ».
Ce qui fait penser à celui-là, spécialiste en vol de terrains, mais qui s’excuse en disant : « Je n’y peux rien. J’aime jouer au foot un peu partout ». Ventru, il donne une exhibition qui fait sourire. Mais le vol qui revient en maintes fois c’est celui associé au « Petro Air ». Tout ça dans la première partie de l’ouvrage.
Puis, l’auteur s’attarde sur certaines personnalités auxquelles des mini chapitres sont dédiés, tel un Guy Philippe en campagne avec un type qui ressemble à l’actuel chef d’État inculpé pour blanchiment d’argent. Et Guy de dire : « Lorsque je serai sénateur, je serai de tout repos. La DEA n’a pas les clés de
la…Chambre ». Pourtant, on le retrouve, tout souriant, à Miami, commentant : « En Haïti, mon mandat de sénateur était de …6 ans. Ici à Miami, j’ai un mandat de…9 ans, et j’ai ma propre Chambre ! » Il nourrit l’espoir de sortir, âgé de moins de 60 ans, en héros, qui « comme ce fut le cas en 2006, pourrait à nouveau lancer sa candidature à la présidence ». Pas de problème pour obtenir « un certificat de …bonne vie et mœurs ». D’ailleurs, il a été élu sénateur sans difficulté, bien que recherché par la Drug Enforcement Agency (DEA) et sujet à un mandat d’amener pour l’attaque perpétrée contre le quartier général de la Police des Cayes ?
Ne dit-on pas qu’en mangeant l’appétit vient ? Si je devais continuer à déguster ce met appétissant, je vous empêcherais de vous procurer votre propre copie du livre. Donc, je m’arrête sous peu, tout en révélant que fiston Martelly (Olivier) portait le titre ronflant de « Coordinateur de la commission d’appui à la coordination des infrastructures de sport et d’accompagnement de la jeunesse haïtienne », publié dans Le Moniteur, la gazette officielle d’État. Avec des millions de dollars pour la construction de stades de football, il a pu se procurer tout ce qu’il voulait de luxueux, y-compris « voiture Petro Caribe » et d’organiser « le Concert PetroCaribe » avec Charles Aznavour.
D’autres chapitres sont dédiés ā Hervé Denis, ministre de la Défense, un macoute jean-claudiste; ā Willot Joseph, qui a pu « changer de maître et de métier » en devenant député, tout d’abord, puis sénateur de la République. Surnommé « le Marron du syllabaire », pour avoir sacrifié la langue française, il n’est plus accusé de voleur de voitures.
Evans Paul (K-Plim ou KP) tout court, ancien Premier ministre de Martelly, fait la une cette semaine, ayant démissionné, en fin de semaine, du Comité de pilotage des états généraux sectoriels du président Jovenel Moïse, il est revenu sur sa décision, le lundi 7 mai, après s’être entretenu avec le président. « Figure emblématique . . . considéré comme un martyr de la lutte pour la Démocratie en Haïti », écrit l’auteur, on le voit dans une fameuse caricature, disant : « Je suis un homme de bon… commerce. Je me vends au plus offrant ». Il est traité d’une façon toute spéciale dans « Ces caricatures qui nous gouvernent ».
Pour Stéphanie Villedrouin, ex-ministre du Tourisme que l’on croyait « une biche parmi les pintades »,
l’auteur lui attribue cette phrase à clore ce récit : « Si on devrait… vraiment arrêter les voleurs, les voyous et les… voyel les, qui dirigerait le pays » ? Peut-être qu’on ferait appel à Pierre-Louis Opont. N’avait-il pas démontré une certaine expertise dans l’organisation des « zélections » de 2015 avec 180 partis politiques sur la liste ? Mais il pourrait bien refuser l’offre, vu qu’il a déjà gagné le gros lot, tel que mentionné tout au début.
Bonne lecture !
RAJ
9 mai 2018

Cet article est publié dans la version originale de l’hebdomadaire sur support papier et se trouve en P. 15, à cette adresse : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/05/H-O-09-mai-2018-1.pdf