l’Humanité : le chant du cygne ? par David Bongard

l’HUMANITÉ : LE CHANT DU CYGNE ? par David Bongard

Le quotidien français l’Humanité, fondé en 1904 par Jean Jaurès, figure du socialisme européen, a lancé, fin janvier, un appel à la mobilisation générale : en cessation de paiements, il a demandé à ses lecteurs d’organiser un « soutien populaire et citoyen » pour l’aider à surmonter ses difficultés financières. Ce jeudi 7 février 2019, le tribunal vient de placer en redressement judiciaire avec prolongation d’activité le quotidien.

Une grande meeting de soutien est d’ores et déjà prévue le 22 février, à Paris, pendant que fleurissent dans tout le pays des initiatives de sauvetage.

Tiré à près de 50 000 exemplaires, le quotidien, qui a accompagné les luttes sociales du XXe siècle, a vu ses ventes chuter en France de 6%, en 2017-2018, à 33 000 exemplaires. L’Humanité ne se démarque pas en cela du déclin généralisé de la presse écrite dans l’Hexagone.

En 1920, après le congrès de Tours, qui marque le divorce entre socialistes et communistes, l’Humanité devient le quotidien officiel du futur Parti communiste français (PCF). La rupture est consommée en 1921 quand la mention « journal socialiste », qui figure à sa Une, est remplacée par « journal communiste ». Puis, en 1923, sa UNE s’orne de la faucille et du marteau, et arbore désormais comme sous-titre « organe central du parti communiste ».

Après la dissolution des régimes communistes d’Europe de l’Est, et les grandes désillusions qu’elle a engendrées, le journal connaît un long mouvement de déclin, similaire au destin électoral du PCF. En 1994, il cesse officiellement d’être « l’organe central » du PCF et, en 1999, à l’occasion d’une nouvelle formule, la mention du lien avec le parti est supprimée pour s’ouvrir à la « pluralité des sensibilités de gauche ». Son directeur, Patrick Le Hyaric, est convaincu qu’il « existe un chemin pour que vive et se développe l’Humanité ».

Le journal doit sa survie fragile assurée par le produit de ses ventes et des appels à souscriptions réguliers, notamment lors de la Fête de l’Humanité, qui attire chaque année près d’un demi-million de sympathisants.

D Bongard

La disparition de l’Humanité amputerait une partie de la population française, souvent les plus déshérités, d’un média qui relaye, depuis plus d’un siècle, ses préoccupations, ainsi que sur le plan international, les pays dits du Sud d’un de leurs plus fervents défenseurs. Le pluralisme des médias en France, qui, pour nombre d’entre eux, sont en passe de passer sous les fourches caudines des puissants, s’en verrait nécessairement durement affecté. L’humanité est, comme le disait déjà un slogan du journal, un combat quotidien !

De grands noms, comme Jean Jaurès, Jules Renard, Anatole France, ou encore Léon Blum, ont écrit dans l’Humanité. D. B.


cet article est publié par l’hebdomadaire Haiti-Observateur, édition du 13 fév 2019, et se trouve en P. 8, à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/02/H-O-13-fev-2019-1.pdf