Un autre appel à l’expulsion de Jovenel Moïse du Palais national Par Editor

ÉDITORIAL

  • Un autre appel à l’expulsion de Jovenel Moïse du Palais national Par Editor

Nous avons, suivant l’attitude de la grande majorité du peuple haïtien, plus d’une fois déjà, appelé, dans le cadre de la mobilisation citoyenne de l’année dernière contre Jovenel Moïse, à la démission du président. Nous jugeons nécessaire de relancer cette initiative, car loin de profiter du sursis occasionné par l’accalmie ― ou la trêve ― dans la mobilisation, pour se racheter, il a donné de nouvelles raisons de crier «Abas Jovenel Moïse ! » et demander aux millions de mécontents, qui n’attendent que soit lancé le mot d’ordre pour reprendre la rue, en criant «Démission immédiate et sans condition».

Modelant sa politique sur celle de son prédécesseur, le chanteur du compas, qui avait, avant lui, fait de la violation de la Constitution et des lois du pays son apanage, M. Moïse a fait de celle-ci la pierre angulaire de sa propre politique. Il a donc appris de Martelly que le mépris des normes établies par la Charte fondamentale et consacrées dans les lois du pays constitue la manière de gouverner Haïti. Alors qu’il ne trouve personne dans son entourage et parmi son pléthore de conseillers pour le porter à rectifier le tir. Tout au contraire, ils se sont complétés mutuellement, transformant l’administration de l’État en une véritable cave d’Ali Baba. Sans personne, dans son entourage, pour refreiner ses penchants criminels naturels, rien d’étonnant qu’il fasse flèche de tout bois dans les actes répréhensibles dénoncés par rapport aux scandales à rebondissements qui jalonnent son administration.

Toutes choses considérées égales, nonobstant les nombreuses dérives de Michel Martelly, durant son quinquennat, ce dernier se présente comme un enfant de chœur comparé à Jovenel Moïse. Quand s’est présenté l’occasion pour lui de s’amender et de changer de direction, son instinct naturel parvient toujours à prendre contrôle de la situation. Car plus on chasse le naturel chez lui, davantage il revient au galop. Voilà pourquoi il excelle dans ses dérives. Aussi ne peut-il s’empêcher de donner de nouvelles raisons de justifier sa répudiation par le peuple haïtien.

Après tous les travers reprochés au chef d’État haïtien se manifestant sous formes d’actes de corruption, dont les nombreux scandales éclatent d’une semaine à l’autre, ajoutés aux crimes financiers commis contre la République, le détournement des USD plus de 4 milliards $ provenant du fonds PetroCaribe met Jovenel Moïse dans un contexte spécial, par rapport aux autres chefs d’État également impliqués dans ce scandale. Sous ces rubriques, il faut citer ses déprédations sur les ministères et les programmes sociaux de la présidence, dont une bonne partie du budget est escamotée par le Palais national, notamment au profit de la première dame. Comme c’est bien le cas pour le contrat octroyé sans appel d’offre à la firme allemande Dermalog. Cette faveur faite à celle-ci, dans ces conditions, a permis à Martine Moïse de toucher une juteuse commission dont le montant n’a jamais été révélé.

Arrivé au pouvoir sous le coup d’une inculpation accusé de blanchi- ment des avoirs, le président Moïse a été également reproché de participer, par le truchement de ses compagnies Agritrans et Betexs, à une vaste conspiration de détournement de fonds public, dans le cadre de la dilapidation du compte PetroCaribe. Son nom est cité plus de 60 fois dans le Rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CS/CCA), rapport dans lequel sont également dénoncés des Premiers ministre, des ministres, directeurs généraux, et d’autres hauts fonctionnaires de l’État comme co-conspirateurs du pillage des milliards de dollars générés par la vente du pétrole vénézuélien sur le marché haïtien.

À part tous ces crimes mis au compte du président Moïse, les manifestants, qui exigent sa  démission immédiate et sans condition», ont dénoncé les massacres appelés «crimes d’État» perpétrés, particulièrement à La Saline, Carrefour-Feuilles et au Bel-Air. Selon des organisations de défense des droits de l’homme, au moins 70 personnes, dont des femmes et des enfants à bas âge, auraient été massacrées à La Saline seulement. À celles-ci doivent s’ajouter plus d’une trentaine de militants abattus par des policiers dévoyés, à la solde de la présidence, durant les semaines de manifestations de rue, à Port-au-Prince et les villes de province.

On comprend pourquoi le candidat Jovenel Moïse a été si controversé. En sus d’avoir été rejeté par une forte majorité d’électeurs pour qui il était le réflexe d’opposition qu’il avait déclenchée chez les votants, ces derniers ayant été motivés par ce qu’ils savaient de son créateur. En clair, connaissant bien le personnage Martelly, les votants opposés à Moïse ne pouvaient l’imaginer faisant choix d’un successeur honnête, intègre, vertueux, respectueux, aimant sa patrie et respectueux de la Constitution et de la loi du pays.

Dans bientôt trente-six mois qu’il est au pouvoir, M. Moïse a une multitude d’actes lui devant d’être mis en accusation, dont la plupart relèvent de crimes graves, en sus de celui de trahison, dont il s’est rendu coupable, pour avoir invité des étrangers lourdement armés à envahir le territoire national, à l’insu de la nation, dans le cadre d’une mission occulte, car jamais annoncée ni explicitée au peuple haïtien. Et pour comble d’irrespect au pays, il a conspiré avec une puissance étrangère, en l’occurrence les États-Unis d’Amérique, pour faciliter la fuite de ces mêmes mercenaires d’Haïti, les empêchant de rendre compte à la justice haïtienne.

Il est évident que ceux qui exigent la démission de Nèg Bannann nan ont déjà accumulé une longue liste de motifs qu’un Parlement qui se respecte aurait utilisés pour sa mise en accusation. Pourtant, Jovenel Moïse ne cesse d’en susciter d’autres. C’est le cas de la décision arbitraire qu’il a prise contre les neuf sénateurs élus pour six ans, mais dont il a écourté le mandat après quatre ans. Alors que le Conseil électoral provisoire (CEP), dans une résolution que ses neuf membres ont signée, rappelle que «La durée du mandat des élus est fixée par la Constitution et uniquement par elle».

Quel châtiment la Charte fondamentale prévoit-elle pour un fonctionnaire élu s’arrogeant le droit d’écourter le mandat d’un autre fonctionnaire élu ?

Dans le passé, nous avons énuméré un éventail de crimes commis par Jovenel Moïse pour encourager le peuple à se révolter contre lui, les évoquant comme raisons pour exiger son départ définitif et sans délai. Le mépris pur et simple de la Constitution, ajouté à la méconnaissance flagrante de la Charte fondamentale viennent compléter la liste. D’où ce nouvel appel à son expulsion du Palais national.


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 5 février 2020 VOL. L, No. 5 New York, et se trouve en P. 10 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/02/H-O-5-Februar-2020-1.pdf