La dépossession du peuple haïtien par Jovenel Moïse s’intensifie… par Léo Joseph

La dépossession du peuple haïtien par Jovenel Moïse s’intensifiepar Léo Joseph

  • L’ÉTAT D’URGENCE ENTRAÎNÉ PAR COVID-19 EN HAÏTI
  • La corruption et le détournement de fonds publics : Pas de trêve à l’ère du COVID-19

Jovenel Moïse et son équipe de PHTKistes sautent sur toutes les occasions offertes par les décaissements effectués par l’État pour donner dans la surfacturation. Mais les déclarations d’état d’urgence faites par le chef de l’État constituent des opportunités uniques de ramasser des millions. Surtout dans ce con- texte où ce dernier se battait comme un beau diable dans un bénitier pour priver le pays de son Parlement, en vue de diriger par décret. On comprend bien pourquoi Jovenel Moïse tenait à cette situation et pourquoi tous ses proches collaborateurs se multipliaient par quatre pour y contribuer.

Initié par René Préval qui, en deux occasions, avait déclaré l’état d’urgence, suite au passage de deux ouragans qui avaient ravagé surtout l’arrière-pays, en faisant main basse sur le fonds PetroCaribe, cette stratégie a été également mise à profit par Michel Martelly et Laurent Salvador Lamothe ayant suivi le modèle de pillage de leur prédécesseur. Après l’élimination de l’importation du brut vénézuélien, qui alimentait ce compte, Jovenel Moïse s’est donné d’autres sources de revenus pour financer l’état d’urgence sanitaire occasionné par la pandémie du Coronavirus. Avant même que soient établies les modalités de décaissement de l’aide de USD 50 millions offerte à Haïti par la Banque mondiale, Jovenel Moïse a jugé opportun de lancer une nouvelle ronde de pillage. Aussi croit-t-il devoir anticiper sur l’octroi de ces fonds annoncés pour mettre ce plan à exécution en route en exigeant un «prêt» de la Banque nationale de crédit (BNC). Les USD 18 millions qui auraient été extraits (ou à extraire, car personne ne sait à quelle on en est) de cette institution n’ont pas véritablement pour motif le souci de faire l’acquisition d’équipements et de matériels pour faire la guerre contre le Coronavirus, mais plutôt pour satisfaire le besoin maladif de millions de ses alliés du PHTK. Voilà l’administration de la BNC mise dans ses petits souliers par Jovenel  Moïse, fortement pressuré par Michel Martelly, cherchant à trouver sans délai ― et à la cloche de bois ― le financement nécessaire pour payer une commande effectuée à l’étranger pour le compte de l’État haïtien par deux beaux-frères de l’ex-président musicien. Vu la manière d’opérer de Nèg Bannann nan et ses collègues du PHTK, on peut se faire une idée de la direction que va prendre cette opération.

Une autre opération de corruption et de détournement de fonds public en cours

Généralement, sous le gouvernement dirigé par Jovenel Moïse, c’est après coup qu’éclatent les scandales. Celui-ci est dénoncé au moment même que les acteurs sont à pied d’œuvre. Des observateurs se révèlent sceptiques par rapport à cette commande qu’on prétend être placée par Kiko Saint-Rémy, frère de Sophia Saint-Rémy (l’ex-première dame d’Haïti) et Gesner Champagne (Ti-Ges), l’époux de Claudia Saint-Rémy, la jeune sœur de Sophia, auprès d’une compagnie chinoise «Bowang Co. Ltd./ China Xu Xiao». Il s’agit, apprend-on de sources proches du Palais national, d’une liste d’équipements et de fournitures sanitaires coûtant USD 18 millions $ commandés par la société «PREBLE-RICH HAITI».

Voici soi-disant la liste des produits que Saint-Rémy et Champagne prétendent devoir fournir pour la somme facturée au gouvernement : 500 lits d’hôpitaux, 200 000 masques, 1,5 million de masques chirurgicaux jetables, 500 unités de pompes à fusion, 250 000 équipements de protection individuelle, 2,5 millions de gants médicaux, 300 000 blouses stérilisées, 10 analyseurs automatiques de biochimie et 100 respirateurs.

Un prêt de la BNC pour financer cette commande ?

L’implication de la société «PREBLE-RICH HAITI» dans cette transaction a tiré la sonnette d’alarme sur une nouvelle opération de corruption. C’est l’intervention nocive de Michel Martelly qui rend l’affaire toxique. Car, toujours à l’affût d’occasions pour détrousser l’État, l’ex-président PHTKiste a mobilisé son armée de bandits.

En effet, l’annonce faite selon laquelle la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire internationale (FMI) allaient octroyer un don de plus de USD 50 millions $ pour aider Haïti à se procurer les équipements et fournitures nécessaires à défendre le peuple contre le fléau du Coronavirus, dans le cadre de l’’état d’urgence sanitaire, a mis la puce à l’oreille de Sweet Mickey. Ce dernier a lancé ses deux beaux-frères sur la piste de ces millions.

Avant même que les fonds promis soient décaissés en faveur d’Haïti, ce dernier a proposé l’achat d’équipements et autres matériels sanitaires de cette firme chinoise, moyennant un «prêt» de la BNC, qui «sera remboursé», selon lui, dès que les institutions de la haute finance internationale auront tenu leur promesse. Mais il semble que Martelly se soit heurté à la résistance du conseil d’administration de la BNC. Une source confidentielle a révélé que, estimant les beaux-frères de l’ex-président en déficit d’expérience dans ce domaine, les dirigeants de cette institution bancaire se sont farouchement opposés à l’idée de financer cette opération. Sentant déjà les USD 7,2 millions (40 % de 18 millions $) danser dans sa tête et dans celle de ses beaux-frères, Michel Martelly a décidé de tourner la vis sur Jovenel Moïse, augmentant considérablement la pression. De leur côté, les partenaires de Sweet Mickey, surtout Kiko Saint-Rémy, proféraient des menaces de mort contre quiconque s’oppose au décaissement des fonds en question. Les différentes personnes concernées dans cette transaction savent que Kiko Saint-Rémy ne plaisante pas avec ses menaces de mort, Jovenel Moïse en sait long. Surtout aussi Saint-Rémy a la réputation d’avoir été à l’origine de la disparition du trafiquant de drogue de Port-Salut, Evinx Daniel, porté manquant depuis janvier 2016 après qu’il eut été vu pour la dernière fois avec Saint-Rémy et Jovenel Moïse, dans la région de Marre Rouge.

On prétend que le Premier ministre de facto, Joseph Jouthe, également hostile à l’octroi des fonds à l’équipe de Martelly, pour les mêmes raisons, s’est retrouvé, lui aussi, dans le point de mire de Saint-Rémy et de Champagne.

Il semble que, suite à la rude intervention de Sweet Mickey auprès du président de la République, ce dernier ait ramené à l’ordre les décideurs de la BNC. Toutefois, cette transaction étant menée dans l’opacité totale, personne ne peut dire exactement comment elle évolue. Mais, tout porte à croire que cette affaire, que Martelly et ses hommes menaient en catimini, a été ébruité suite au désaccord qui est intervenu entre Jouthe et son patron autour du décaissement des USD 18 millions $.

Mais d’aucuns prétendent que le financement de cette commande, à laquelle sont liés Michel Martelly et ses beaux-frères, pourrait bien tourner court. Préférant opérer dans l’obscurité, le chanteur du compas et son équipe pourraient être forcés de lâcher prise, suite au désaccord qui s’est développé entre le Premier ministre de facto Joseph Jouthe et Jovenel Moïse. Surtout que certains observateurs pensent que, suite à ce que nombre de gens voient comme un esclandre inopiné, tout n’a pas encore été tiré au clair entre les deux plus hautes autorités de l’Exécutif.

Mais Martelly et son équipe ont-ils vraiment placé une commande en Chine ?

Nonobstant les rumeurs circulant autour de cette commande attribuée à Michel Martelly et à ses beaux-frères, d’autres rumeurs largement accréditées dans les milieux politiques, à la capitale haïtienne, lais- sent croire qu’il n’y pas eu vraiment de commande placée en Chine. Selon elles, la démarche dénoncée entre dans le cadre d’une stratégie lancée par Sweet Mickey avec Kiko Saint-Rémy et Gesner Saint-Rémy, dans le but de détourner la somme évoquée qui a été sollicitée auprès de la BNC.

Des sources proches de la présidence ont indiqué que, au moment où l’on parle de cette commande d’équipements et de matériels en Chine, le Palais national et la primature se trouvent en négociations avec une organisation de bienfaisance multimillionnaire chinoise. Il s’agit de sensibiliser les responsables de cette Organisation non gouvernementale (ONG) à la situation d’Haïti, pays totalement impuissant, démuni et quasiment sans recours face à la pandémie du COVID-19. Jovenel Moïse et Joseph Jouthe font la cour à cette fondation chinoise, afin de l’inciter à faire don au peuple haïtien des équipements que le gouvernement PHTKiste cherche à acquérir par le truchement de Saint-Rémy et de Champagne.

Les fonds de la Banque mondial et le FMI toujours attendus

Jovenel Moïse et ses alliés du PHTK attendent avec impatience que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international décaissent l’aide qu’ils ont promise, surtout que le gouvernement haïtien exerce des pressions en douce pour les porter à agir sans délai. C’est la raison pour laquelle les dirigeants haïtiens, après avoir affiché leur nonchalance à l’égard de la pandémie, fait montre d’un empressement inespéré, cherchant à placer des commandes de matériels sanitaires avant même d’obtenir le financement nécessaire pour garantir leur arrivée en Haïti.

Mais, dans certains milieux financiers, à Washington, des observateurs ont fait savoir que les deux institutions financières signalées n’ont aucune intention de remettre les fonds promis aux autorités haïtiennes.

En effet, explique-t-on, dans ces mêmes milieux, les institutions de la haute finance internationale n’ignorent pas que la corruption et le vol des deniers publics sont monnaie courante en Haïti et que les dirigeants font leur carrière en détournant les fonds dont ils ont la responsabilité de gérer. C’est pourquoi, l’aide promise sera de préférence confiée à des «Organisations non gouvernementales» (ONG) qui feront une meilleure gestion des ressources mises à leur disposition pour financer des projets spécifiques.

Dans le monde des diplomates, à la capitale haïtienne, l’arrivée de COVID-19 en Haïti est perçue comme une malédiction, dans la mesure où l’impossibilité pour les autorités du pays d’avoir accès au financement dont elles ont besoin, à ce moment précis où il fait cruellement besoin, la situation devrait leur donner à réfléchir par rapport à leur inconséquence.

En tout cas, incapable de tourner le dos au peuple haïtien, à ce moment désespéré, les donneurs d’aide traditionnels pensent aussi qu’on peut mieux le servir et aider les Haïtiens en lui canalisant l’aide dans le cadre d’un protocole susceptible de garantir son aboutissement aux couches nécessiteuses, celles qui en ont le plus grand besoin. L.J


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. L No.12 New-York, édition du 1e avril 2020 et se trouve en P.1, 3, 8 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/04/H-O-1-april-2020-1.pdf