LA LUTTE CONTRE LE COVID-19 DANS L’ÎLE D’HAÏTI par Léo Joseph

LA LUTTE CONTRE LE COVID-19 DANS L’ÎLE D’HAÏTI par Léo Joseph

  • Des dirigeants responsables + solidarité face à la corruption et au trafic d’influence
  • Du côté haïtien, les brasseurs de millions sont absents

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie du COVID-19, qui décime les populations de la terre et fait des victimes d’infection par milliers, les États qui se partagent la souveraineté de l’île d’Haïti ont recours à des stratégies aussi différentes que leurs cultures et pratiques politiques. Ce grand malheur donne l’occasion de jauger les compétences des dirigeants et leurs mérites d’accéder à la plus haute magistrature de l’État. Entre les dirigeants de ces deux pays et les deux sociétés, confrontés à la bataille contre cette pandémie, les différences sont clairement définies.

En effet, les autorités dominicaines, dont le pays avait bénéficié de la même générosité offerte par le Venezuela à Haïti, dans le cadre du programme PetroCaribe, avaient investi les fonds générés par la vente du pétrole vénézuélien sur leur territoire dans la construction d’infrastructures, notamment des hôpitaux ainsi que dans la modernisation et/ou l’amélioration du système hospitalier et sanitaire de la République dominicaine. Les dirigeants dominicains ne cessent de se féliciter d’avoir utilisé les fonds PetroCaribe pour construire des hôpitaux et des écoles, de les investir dans des travaux de génie. Voilà des dirigeants soucieux de pourvoir, plus ou moins, aux soins médicaux de leurs populations, et de satisfaire à leurs besoins sanitaires, en sus de leurs initiatives en termes de développement durable. Entretemps, en Haïti, Michel Martelly et ses proches collaborateurs, ainsi que René Préval et son équipe avant lui, détournaient plus de USD 4,2 milliards $ de la portion attribuée à Haïti du fonds PetroCaribe, à coups de surfacturations et de contrats attribués illégalement, mais sans être exécutés. Arrivé au pouvoir, à son tour, Jovenel Moïse et ses alliés du PHTK, en mission de créer les conditions pour favoriser le retour de son prédécesseur au pouvoir, s’ingénie à contrecarrer tous les efforts et démarches visant à traduire en justice les dilapidateurs du fonds PetroCaribe.

Présentement, commissionné par le Palais national, le juge instructeur Ramoncite Accimé entreprend des démarches auprès de la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSC/ CA), en vue d’obtenir des documents qui lui permettra de blanchir présidents, Premier ministres, ministres et d’autres hauts fonctionnaires de l’État mis en cause dans ce scandale. Ce juge travaille d’arrache-pied pour satisfaire au vœu de Moïse à cette fin. Car au moment où la pandémie du COVID-19 impose une pause à la mobilisation citoyenne pour exiger que toute la lumière soit faite sur ce méga vol perpétré au détriment du peuple haïtien; et que la fonction publique fonctionne au ralenti, ce juge travaille sans arrêt pour donner satisfaction à Jovenel Moïse et à ses alliés du PHTK. Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur les raisons qui portent Ramoncite Accimé à exécuter cette tâche avec une application excessive et ostensible. Le peuple haïtien doit savoir le rôle joué par ce magistrat pour permettre aux voleurs du fonds PetroCaribe de se soustraire à la justice.

En République dominicaine, hommes d’affaires et politiciens impliqués

Même si, de l’autre côté de la frontière, la pandémie du COVID-19 fait, jusqu’ici, plus de dégâts qu’en Haïti, la manière de gérer la crise autorise à croire que l’impact de l’épidémie sera moindre dans la partie de l’est de l’Île d’Haïti. Prenant ses responsabilités par les cornes, comme un taureau, le gouvernement de Danilo Medina et ses proches collaborateurs n’ont pas lésiné sur les moyens pour financer la guerre contre ce fléau, ayant investi, au minimum, USD 500 millions $ dans les distinctes initiatives visant à protéger et à soigner le peuple dominicain. Il faut, tout aussi bien, souligner que les voisins dominicains mènent la lutte dans la transparence tenant les citoyens informés des différentes contributions reçues par l’État, des sommes engagées dans les différentes catégories de services, d’équipements et de compétences. En sus des progrès accomplis d’un jour à l’autre.

Bien que d’aucuns dénoncent la corruption constatée dans l’administration publique, dans l’État voisin, les résultats des investissements réalisés dans divers secteurs du pays par le gouvernement semblent inspirer la confiance du secteur des affaires et du monde politique au point de contribuer financièrement à la lutte anti-coronavirus. Aussi plusieurs hommes d’affaires ont-ils délié la bourse afin d’apporter leur contribution à cet effort. C’est aussi dans le cadre de cette initiative que le candidat à la présidence Luis Abinader, porte-étendard du Parti révolutionnaire moderne (PRM), a demandé l’autorisation ― qui lui a été abordée ― d’ouvrir un hôpital temporaire à La Vega, tout en prenant l’engagement d’en ouvrir deux autres à Santo Domingo. Ces hôpitaux temporaires pouvant contenir 120 lits sont destinés à accueillir les victimes du coronavirus. M. Abinader s’est engagé aussi à placer un autre à San Pedro de Macoris, dans la région est.

Les secteurs privé et politique dominicains impliqués

Luis Abinader s’est impliqué fortement dans la lutte contre le COVID-19, alors que les autres candidats à la présidence restent encore à ses manifester. Mais le secteur des affaires et les organisations de bienfaisance et politiques ont apporté leurs contributions. C’est le cas de l’Alliance commerciale «Sanar una Nación» dirigée par le «Grupo Popular», «Grupo Rica», Grupo Ramos», «Grupo Universal» et l’organisation internationale à buts non lucratifs «CitiHope Relief & Development». De concert avec le «Conseil national de l’entreprise privée» (CONEP), ces entités ont annoncé une contribution initiale de 263 millions de pesos (environ USD 4,8 millions $).

En outre, la famille Rainieri et le groupe «Punta Cana» ont proposé un don de 100 millions de pesos (environ USD 1,8 million $) précisant qu’une partie de ce fonds sera investie dans des actions anti COVIC-19 dans la province de La Altagracia.

Dans le cadre de la campagne de levée de fonds pour combattre la pandémie, la «Fondation Mapfre» a également indiqué qu’elle fera don de USD 32 millions $ pour financer la campagne en vue de la détection du virus et le confinement des personnes testées positives, en collaboration avec le centre financier BHD de León, en République dominicaine.

Dans le même esprit, la «Fondation Corripio» a déclaré avoir contribué la somme de 50 millions de pesos (environ USD 925 925 $), la première tranche de sa contribution pour faire face à la pandémie. Cette valeur sera distribuée sous forme de nourriture par la Pastorale sociale de l’archevêque de Saint Domingue, et par le truchement de son organe, la Banque alimentaire. Aussi bien qu’à travers le Centre de diagnostic médical spécialisé.

Une série d’autres entités politiques de genres différents et dans le monde des affaires contribuent financièrement à la lutte contre COVID19 en République dominicaine.

Il  faut signaler aussi que d’autres dons en nature ont été contribués à la lutte contre ce fléau. Comme, par exemple, les distilleries qui ont mis des milliers de litres d’alcool à la disposition des hôpitaux et autres institutions se trouvant en première loge de la lutte. C’est le cas de la distillerie Brugar, qui fabrique le rhum de réputation international du même nom.

Signalons que, d’ores et déjà, 150 000 litres d’alcool converti à 70 degrés sont en voie de distribution aux hôpitaux par les bons offices du Service national de santé, l’entité étatique qui a reçu le stock.

Si Casa Brugal a fait don de l’alcool, Vinicola del Norte et Nesplas ont fait, à leur tour, leur propres contributions en fournissant à cette distillerie les gallons et les boîtes qui ont servi à l’emballage du produit donné comme don.

Un contraste frappant avec Haïti

En ce qui concerne la campagne contre la pandémie du coronavirus, il y a un monde de différence entre la stratégie des dirigeants haïtiens et celle de leurs homologues dominicains. Sans vergogne, Jovenel Moïse et ses alliés PHTKistes ont eu le toupet de se livrer à des opérations illicites, dans le cadre des achats effectués à l’étranger pour doter les installations médicales publiques d’appareils, de masques, de ventilateurs et d’autres équipements nécessaires pour tester les personnes suspectées de contamination ou bien pour soigner celles placées en quarantaine; ou bien recevant des soins pour infection au COVID-19.

En Haïti, les autorités n’ont aucun sens des priorités, ni comment dépenser sagement les fonds investis dans la lutte contre la pandémie. Par exemple, quelques centaines de milliers de gourdes (en tout cas moins de USD 200 000 $) ont été investis dans l’achet de bidons arborant la photo de Martine Moïse, la première dame, bénéficiaire de juteuses commissions, dans le cadre de contrats conclus illégalement. Grâce à de telles opérations, elle a pu ramasser des dizaines de millions de dollars provenant de la surfacturation.

Les hommes et femmes au pouvoir ont acheté ces récipients, qui coûtent environ USD 5 $ pièce, mais dont la facture se serait élevée à USD 50 $ l’unité, selon une source proche de la présidence. Ils ne se sont même pas rendu compte que la remise de ces bidons à la population va à l’encontre de l’objectif visé. Car les bénéficiaires n’ont pas accès à l’eau potable. Jovenel Moïse et ses alliés n’ont pas eu le bon sens de procurer de l’eau aux personnes qu’ils voudraient inciter à se laver les mains continuellement, tel que recommandé parles consignes des autorités sanitaires menant la guerre contre la pandémie.

Aussitôt l’état d’urgence sanitaire proclamé par le président haïtien, son équipe s’est mobilisée dans la mise au point de contrats clandestins leur permettant de s’enrichir. Avec un tel esprit, comment espérer qu’ils fassent de contribution financière à la lutte contre le coronavirus ?

D’ailleurs, les gros brasseurs de millions proches de Jovenel Moïse sont «portés disparus» dès qu’a surgi la pandémie. Où sont-ils, les Sheriff Abdalah et consorts. Combien ont-ils contribué à la campagne contre COVID-19 ? Pourtant, ils sont toujours prêts à signer des contrats léonins, ou à partager les profits avec Moïse et d’autres hauts fonctionnaires de l’administration publique, en sus de réaliser de gros bénéfices.

La générosité de ceux qui ont peu Les nantis d’Haïti sont financièrement absents dans la campagne contre le fléau du Coronavirus. Ce sont les moins pourvus économiquement qui se sont mis à la tâche pour aider les victimes de cette maladie dangereuse. À tout seigneur tout honneur, Michel Martelly garde pourtant le plus grand silence alors que Jovenel Moïse grappille, çà et là des millions, auprès des bailleurs de fonds traditionnels, pour financer la campagne comme il peut. Les autres bénéficiaires de millions par surfacturation et franchise douanière, alliés de Jovenel Moïse, dans la corruption, se taisent et font le mort. C’est le cas de Cheriff Abdalah, de l’ex-sénateur Michel Clérié, de Chris Handal, d’Olivier Barreau, ou encore des Deeb, les patrons de Deka, etc. Sans oublier Sophia Saint-Rémy Martelly, Olivier Martelly ou encore Kiko Saint-Rémy. Il faut signaler que, si d’aventure les résidents du Palais national font une contribution, de quelque nature que ce soit, c’est l’État qui en paye la facture.

Pourtant, l’ex-sénateur Moïse Jean-Charles (aussi ex-maire de Milot, dans le département du Nord), a mobilisé ses ressources politiques qui lui ont permis de trouver des fonds pour créer un hôpital à Milot, son patelin. À l’ère du COVID-19, une telle initiative vaut son pesant d’or. Et il a promis d’ouvrir au moins un autre hôpital dans le département de l’Ouest. C’est le cas de dire : celui qui n’a pas grand-chose donne beaucoup.

Il semble que l’annonce de cette initiative humanitaire par Moïse Jean-Charles ait eu une rare influence sur deux autres hommes politiques. En effet, le sénateur Youri Latortue s’est lancé aussi dans l’œuvre humanitaire en apportant assistance à deux hôpitaux, un aux Gonaïves et l’autre à Saint-Marc où, accompagné d’une équipe de partisans et de militants, il a distribué du matériel aux personnels médicaux de ces deux institutions. Une information circulant sur les réseaux sociaux fait croire que M. Latortue a distribué 1,5 millions de gourdes à l’équipe médicale de ces mêmes institutions.

Il semble que certains hommes politiques d’Haïti aient décidé de prendre le train en marche. Car Éric Jean-Baptiste, le secrétaire général du Regroupement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), la formation politique créée par le défunt prof. Leslie F. Manigat, a effectué des tournées, à la capitale et en provinces, afin de distribuer des fournitures à des hôpitaux également.

En République dominicaine, l’initiative qui a commencé prend l’allure d’un mouvement durable. En tout cas, qui pourrait continuer tant que persistera la maladie. Il faut souhaiter qu’il continue aussi en Haïti. Mais encore et surtout, que ceux qui ont opté pour se tenir à l’écart se rallient au «mouvement». Même les voleurs du fonds PetroCaribe et leurs alliés. En tout cas, citoyens qui n’avaient pas le discernement pour choisir à bon escient leurs leaders auront l’occasion de mieux faire la prochaine fois. Et toutes les autres fois, désormais !

  • L.J.

cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. L No.14 New-York, édition du 15avril 2020 et se trouve en P.1, 3 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/04/H-O-15-april-2020-1.pdf