Ce que Lescot a Fait de Bon par Charles Dupuy

LE COIN DE L’HISTOIRE

  • Ce que Lescot a Fait de Bon par Charles Dupuy

Souvent perçu comme un chef d’État rétrograde, Lescot, par le dynamisme réformateur qu’il déploya, est loin de mériter cet excès d’opprobre dont on l’a si injustement accablé. En effet, il aura travaillé dans le sens d’une modernisation de la gestion publique, pris des décisions administratives novatrices et appliqué des politiques progressistes tout au cours de son mandat.

Dès son entrée en fonction, il s’empressa de remanier le Code de commerce de 1826 et d’apporter des modifications aux chapitres surannés du droit haïtien. C’est sous son administration que la femme haïtienne fera ses premiers pas vers son émancipation politique, économique, juridique et sociale. Lescot est le premier président d’Haïti à faire sortir la femme haïtienne de l’incapacité civile dont elle était frappée, à décréter que, quoiqu’encore privée du droit de vote, elle puisse occuper des fonctions ministérielles, devenir membre des administrations communales et soit éligible à l’Assemblée nationale. C’est par son décret-loi du 11 janvier 1944 que les femmes furent légalement autorisées à disposer de leur salaire, jouir du régime des biens réservés à partir du revenu qu’elles gagnent; posséder une hypothèque légale sur les biens immeubles de leur mari; demander la séparation des biens au cas où ce dernier dilapiderait le patrimoine commun. On lui doit aussi le décret-loi du 22 décembre 1944, la première législation haïtienne en faveur des enfants naturels et une refonte de la loi sur le divorce. Lescot consolida la politique du salaire minimum, et c’est encore lui qui institua la première Caisse d’assurance sociale au pays.

Dans le domaine de la santé et de l’hygiène publique, il faut verser à son actif le premier sanatorium antituberculeux d’Haïti, la création d’une police sanitaire et les services d’encadrement médical de la population rurale (1). En 1942, Lescot accueillait à cet effet les membres de la Mission sanitaire américaine qui allait mettre en œuvre un programme de lutte au paludisme et au spirochète du pian, une maladie invalidante (éradiquée grâce à la pénicilline, en 1953), qui faisait ses ravages dans la paysannerie.

C’est Lescot enfin qui, par son décret-loi de juin 1941, exigeait des diplômés de l’École de médecine deux années consécutives de stage pratique dans les campagnes d’Haïti. Lescot voulait que par ce service socio sanitaire obligatoire en milieu rural, le médecin puisse, à côté du prêtre et de l’instituteur, réparer, di sait-il, «les crimes de lèse-éducation et de lèse-civilisation commis vis-à-vis des couches haïtiennes exploitées». (Dr Ary Bordes, Un médecin raconte, p.16).

C’est Lescot qui lança la première campagne d’alphabétisation en créole selon la méthode Laubach. C’est aussi lui qui inaugura l’École normale supérieure et le Lycée des jeunes filles, la première école secondaire publique réservée à la clientèle scolaire féminine en Haïti. Il nationalisa la Loterie de l’État, institua le Corps d’aviation et le service de liaisons aériennes intérieures, fit construire des cités populaires à Port-de-Paix et au Cap-Haïtien.

Ajoutons pour finir la discipline budgétaire et la gestion rigoureuse des deniers publics qu’il sut imposer durant sa présidence, période au cours de la quelle les comptes de l’État furent maintenus en équilibre et bien à l’abri des déprédations des fonctionnaires véreux. Lescot n’a pas volé un seul centime à l’État haïtien. Combien de nos chefs d’État peuvent se vanter d’en avoir fait autant…C.D. coindelhistoire@gmail.com (514) 862-7184


cet texte est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur dans l’édition du 22 juillet 2020, VOL. L, No.28 et se trouve en P.3, à cette adresse : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/07/h-o-20-juillet-2020-1.pdf