D’UN EX-DG AU DG, RÉSISTEZ ! ! !

Par Mario Andresol. P. 8

[foto illustration. L’ex directeur général de la PNH] ; Journal 20 – 27 septembre 2017 : H-O 9/19/17 3:46 AM Page 8

En vingt-deux (22) ans d’existence, onze (11) directeurs généraux se sont succédé à la tête de la Direction générale de la Police nationale. Parmi eux, il en a qui avaient, sans cesse, subi les pressions du pouvoir politique pour les contraindre à la démission. Et pour ce faire, le prétexte avancé est que le président serait plus à l’aise avec un directeur général qu’il a lui-même nommé. Comme si on pouvait changer de DG, comme on changerait de chemise. En Haïti, il y a toujours dans l’entourage de nos présidents ces flagorneurs qui leur font croire qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, quand ce ne sont pas les présidents eux-mêmes qui s’érigent en autocrate.

J’en ai connus, moi, de ces autoritaires à la voix béante et aux chagrins absents qui pensent que les décisions politiques priment sur les prescrits de la Constitution et de la Loi. Et, ayant été logé à la même enseigne, à un certain moment, en moins d’un an, il m’avait été demandé, en deux fois, de démissionner. Ce que j’avais refusé de faire sachant qu’il n’y a pas de provision constitutionnelle ou légale pour se défaire d’un commandant en chef des Forces de Police dûment nommé par un président de la République et ratifié par le Sénat.

En principe, une telle situation ne devait pas se présenter, si le président de la République lui-même, personnage central du pouvoir politique, jouait pleinement son rôle d’arbitre, conformément à l’article 136 de la Constitution : « Le chef de l’état veille au respect et à l’exécution de la Constitution et à la stabilité des institutions ».

Avant son entrée en fonction, le président de la République prête serment devant l’Assemblée nationale et jure de respecter et de faire respecter la Constitution et les lois de la République (art 135.1).

Dans le cadre de ses attributions, il lui revient de nommer, pour un mandat de trois ans renouvelable, le commandant en chef des Forces de Police (Const. art 270).

Le commandant en chef des Forces de Police, avant son entrée en fonction, prête, lui, serment devant le doyen du Tribunal civil, en jurant de respecter et de faire respecter la Constitution et les lois de la République (art 61 Loi relative à la PNH).

Le président et le directeur général de la PNH sont donc deux entités constitutionnelles. Le mandat d’un président est de cinq (5) ans et celui d’un chef de la police est de trois (3) ans renouvelable. Cela dit, il y a toujours de fortes chances qu’un président soit installé au pouvoir avec un chef de la Police qu’il n’a pas lui-même nommé.

Entre l’obligation de respecter son serment et les pressions exercées par l’exécutif pour le contraindre à la démission, un commandant en chef des Forces de Police doit savoir rester droit dans ses bottes et n’a qu’un seul choix, le bon choix : Se cantonner derrière la Constitution et la loi.

Je sais, pour avoir déjà vécu tout ça, que ce n’est pas facile. Mais, il faut résister, Monsieur le Commandant en chef. Il faut que nos hautes autorités politiques apprennent à respecter les prescrits de la Constitution et des lois de la République. « Konstitisyon se papye, bayonèt se fè » . En l’an de grâce 2017, il y a de ces autoritaires qui y croient encore.

Je sais, pour avoir déjà vécu tout ça, que c’est un moment de solitude pour un commandant en chef qui doit, alors, prendre la pleine mesure de ses responsabilités et de son engagement. Un moment de solitude grand, fort et qui peut être parfois dévastateur, surtout, s’il prend conscience de ses limites. De sa décision dépendent l’avenir de l’institution et des milliers de jeunes qui y sont membres.

L’histoire de la PNH foisonne, aussi, de ces directeurs généraux qui avaient accepté de jouer le jeu du pouvoir. De telles situations ont fragilisé l’institution jusque dans ses fondements. En effet, en trois (3) ans, de 2001 à 2004, pas moins de quatre chefs de la police se sont succédés à la tête de l’institution. On connaît la suite. Et, c’est ainsi que, de 1995 à nos jours, à part Préval, tous les présidents élus ont joué ou tenté de jouer la carte de la contrainte pour obtenir la démission d’un chef de la Police.

Cette volonté du pouvoir politique à vouloir assumer un contrôle sur la Police a, non seulement un effet déstabilisateur sur l’ensemble de l’institution, mais affecte aussi l’efficacité de la PNH dans la gestion de l’ordre et de la sécurité. De fait, le phénomène de politisation de la police permet en général à des cadres proches du pouvoir d’accéder à des postes de responsabilité sur demande ex presse du président de la République. Ainsi, ce manque de légitimité et de leadership de ces cadres, en plus de générer de la frustration et des cas d’indiscipline à l’intérieur de l’institution, ne permettent pas d’élaborer et de mettre en œuvre de bonnes stratégies de lutte contre l’insécurité et de bonnes réponses aux atteintes à l’ordre publique, dans la mesure où la politique n’a pas toujours su placer les bonnes personnes aux bonnes places.

La politisation de la police, au fil des années, a aussi retardé le développement de l’institution et a, par-dessus tout, encouragé sa balkanisation. En témoigne la création, à un moment donné, d’unités spécialisées pour travailler avec des ministres, alors que les tâches confiées à celles-ci relevaient déjà des unités territoriales. Ce qui a entraîné une dilution des ressources humaines, une duplication de tâches et un man que de cohésion dans les stratégies de sécurité.

Habituellement, quand le pouvoir politique ne peut obtenir gain de cause dans un bras de fer l’opposant à un DG de la police, il (le pouvoir) joue la carte de l’insécurité pour le fragiliser dans l’opinion publique. A ce moment, on assiste à une recrudescence des actes de kidnapping, de meurtres, de vols à mains armées, de vols de véhicules, etc. Et, si l’on est à l’ère des grandes manifestations, celles-ci sont infiltrées par les alliés du pouvoir pour provoquer le plus de casses et de désordre possible. Une campagne médiatique s’ensuivra pendant laquelle la PNH sera accusée de n’avoir pas assez fait pour prévenir ou éviter des casses.

Le ministre de tutelle doit s’adresser au DG, pas aux échelons inférieurs. Le DG doit s’assurer du contrôle de ses troupes. La MINUSTHA s’en va et la situation politique actuelle inquiète. Le pays fait face à une crise de gouvernabilité chronique, en raison du déficit de légitimité des autorités politiques et de leurs mesures impopulaires.

Dans ce contexte, les pratiques de débordements de rue violents deviendront pour la classe politique des armes privilégiées pour déstabiliser le pouvoir en place.

La PNH, tout en restant fidèle à sa devise, doit se montrer à la hauteur de sa mission. Elle ne peut pas et ne doit pas rester les bras croisés face aux débordements. Elle utilisera la force nécessaire quand elle devra intervenir. Messieurs de la police, n’oubliez pas que la violence légale doit être disciplinée, réglée ! Mais, avant tout, ce sont les décisions politiques qui doivent résoudre les problèmes politiques. Mario Andresol.


Cet article est publié dans l’édition du 20 septembre 2017 de l’hebdomadaire Haïti Observateur et se trouve en P. 8 du format PDF, disponible à cette adresse : http://haiti-observateur.ca/…. .pdf