Caroline Estimé Trouvée Morte Dans un Hôtel de Miami

Caroline Estimé trouvée morte dans un hôtel de Miami par Léo Joseph
EST-CE UNE NOUVELLE ÉDITION DE L’AFFAIRE EBERWEIN ?

Plus d’un an après la mort douteuse de Klaus Eberwein, directeur général du Fonds d’assistance économique et social (FAES), uns autre personne liée au dossier PetroCaribe vient de trouver la
mort dans les mêmes conditions. Ce qui entraîne l’évocation des mêmes hypothèses : exécution
ou suicide ?

En effet, après avoir cherché sans vie de ce dernier était retrouvé dans une chambre d’hôtel, également à Miami.

Le suicide comme cause de la mort de Klaus Eberwein avait été initialement évoqué par des en- quêteurs de la Police de Miami. Mais cette hypothèse était, par la suite, écartée après que des
conversations téléphoniques du défunt eurent été entendues permettant de déceler des discussions pour le moins toxiques ayant permis de soupçonner un conflit majeur entre Eberwein et ses interlocuteurs en Haïti.

En tant que directeur général de FAES, Eberwein servait de canal par lequel s’acheminaient des millions extraits du fonds PetroCaribe vers les personnalités proches du pouvoir et des amis de la présidence. Par exemple, Michel Martelly avait ordonné à ce dernier d’octroyer un prêt de plus de USD 10 millions $ à Jovenel Moïse, alors candidat à la présidence, pour sa société privée Agritrans, dont les
conditions n’ont jamais été explicitées. Aussi ignore-t-on si cette dette a été restituée par le débiteur avant sa prestation de serment. Cette question est plus que jamais importante, surtout que la société de M. Moïse a quasiment cessé de fonctionner.

Rappelons que Klaus Eberwein devait se présenter comme témoin devant la Commission sénatoriale sur l’usage du fonds PetroCaribe quand était survenue sa mort. À l’époque, le pilote de la première Commission du Sénat chargée de mener cette enquête avait indiqué qu’il pouvait se faire auditionner à la place du défunt puisque, laissait entendre le sénateur Youri Latortue, ce dernier lui avait tout révélé concernant PetroCaribe. Il semble que, à date, le sénateur de l’Artibonite n’ait pas eu la chance de faire de telles révélations.

Klaus Eberwein devait quitter Port-au-Prince en catastrophe, presque la veille même du jour où il devait présenter son témoignage, car sa résidence, à la capitale haïtienne, avait essuyé des tirs nourris dirigés par des inconnus qui se trouvaient à bord d’un véhicule.

Chargée du suivi du dossier PetroCaribe sous Laurent Lamothe
Pour une fonctionnaire qui, à l’instar d’Eberwein, avait une certaine responsabilité, dans le cadre de la gestion du fonds PetroCaribe, à coup sûr, Caroline Estimé, fille de l’ex-chancelier, sous le régime de Jean-Claude Duvalier, Jean-Robert Estimé, constituait une menace pour les dilapidateurs des ressources générées par la vente du brut importé du Venezuela.

Selon des informations recueillies à son sujet auprès des milieux proches de sa famille, la défunte était chargée du suivi du dossier PetroCaribe, à la primature, sous Laurent Salvador Lamothe. Des sources crédibles ont précisé qu’elle aurait été en contact avec des enquêteurs non identifiés qui voulaient lui « tirer les vers du nez » concernant cette affaire et qu’elle semblait vouloir « coopérer ». Indéniablement, une telle perspective a dû donner la frousse à tous ceux qui se sentaient concernés par ce scandale
inédit.

La fin pour Caroline Estimé n’est pas différente de celle d’Eberwein, qui devait, on se rappelle, se présenter devant la Commission du Sénat haïtien qui enquêtait sur l’usage du fonds PetroCaribe.

Il semble que les attributions de Caroline Estimé dans l’administration du fonds PetroCaribe lui donnent les possibilités de s’informer des différentes transactions et d’en assurer la mise à jour. À ce titre, elle devrait posséder toutes les informations relatives aux opérations menées sur ce compte, de quoi éclairer la lanterne des enquêteurs sur l’utilisation de cette fortune.

Avec l’intérêt manifesté par la communauté internationale dans les faits de corruption et de  détournement de fonds publics constaté un peu partout dans le monde, notamment en Afrique, en Asie, en France, mais surtout en Amérique latine,les personnes accusées de tels crimes, en Haïti, doivent avoir de gros soucis. Surtout que dans les interventions publiques de certains chefs de missions diplomatiques dans le pays de telles questions sont évoquées. Puisque, depuis que l’ex-représentante du secrétaire général de l’ONU en Haïti, Suzan Page, a fait ses remarques relatives à la poursuite des personnes ayant abusé du fonds PetroCaribe, il n’y a plus de doute que l’international a les yeux ouverts sur l‘évolution de ce dossier. Encore que des limiers anonymes soient en train de fouiner dans cette affaire.

Signalons aussi que, comme dans le cas de Klaus Eberwein, les intéressés avaient été très vite en besogne pour dire que Caroline Estimé s’était suicidée. Qui a intérêt à diffuser cette propagande mensongère, de toute évidence destinée à mal orienter l’opinion publique ? On ne peut s’empêcher de croire que les mêmes criminels qui ont commandité la pose de gaz lacrymogène, au Café Trio, au Cap-Haïtien, dans le nord du pays, sont aussi responsables de ce crime ayant causé la mort de Jacques
Dubois, porte-parole de l’Orchestre Tropicana et animateur d’une émission de ce même ensemble musical. On a pu constater que la grande commotion et le choc occasionnés par cet événement n’a duré que l’espace de quelques jours, l’incident ayant été classé tout bonnement. De même que l’enquête sur la mort suspecte de Klauss Eberwein n’a avancé d’un pouce avant qu’elle ne soit reléguée aux oubliettes. Il y a fort à parier que la disparition de Carole Estimé ne sera pas traitée différemment. Puisque les gens qui sont derrière ce crime mettent tout en œuvre pour faire échec à l’idée de poursuivre les responsables du gaspillage du fonds PetroCaribe. Mais, en dépit de leur campagne visant à réduire au silence les partisans de la guerre contre les pilleurs de ce compte les citoyens privés et des groupes divers s’alignent devant le Parquet de la capitale pour demander justice pour Haïti. Aussi les poursuites en cascade engagées contre eux au tribunal de première instance de Port-au- Prince — et qui continuent de s’annoncer au fil des semaines— leur donnent-elles froid au dos, car se voyant définitivement dans l’œil d’un tourbillon judiciaire aux conséquences incalculables.

Les dilapidateurs du fonds PetroCaribe ne croient plus que leurs démarches puissent provoquer le classement de l’enquête déclenchée contre la plus grande conspiration orchestrée sur les caisses publiques jamais enregistrée depuis la fondation de la République. L’attaque au gaz lacrymogène perpétrée sur une conférence-débat que les sénateurs Youri Latortue et Jacques Sauveur Jean organisaient dans une salle, à Café Trio, au Cap-Haïtien, dans le nord du pays, est une preuve que cette affaire tien la vedette, malgré vents et marées. Le sénateur Youri Latortue, qui était le principal orateur, l’a échappé belle, l’un des engins ayant été projeté directement sur l’estrade où il se trouvait.

Cet incident criminel a déclenché une vague de protestations de la part de plusieurs secteurs du pays. Mais la tempête s’est vite calmée et on n’en entend plus parler. Tout comme l’enquête sur la mort d’Eberwein. Et rien n’autorise à croire que celle de Mme Estimé — s’il y en aura une —,sera l’objet d’un traitement différent.

À l’analyse des faits entourant la mort suspecte de ces cadres de l’administration Martelly-Lamothe et de cette haute fonctionnaire et proche collaboratrice de l’ex-Premier ministre Laurent Lamothe, il faut attirer l’attention sur le silence qu’avait observé ce dernier à l’égard de la disparition de Klauss Eberwein. Dans ce dernier cas, plus de 48 heures après que Caroline Estimé eut été trouvée morte dans une chambre d’hôtel, à Miami, l’ancien patron de la défunte n’a toujours pas jugé opportun de se
prononcer.

La théorie du suicide évoquée presque unanimement rejetée
De toute manière, ceux accusés dans le détournement de USD 3,8 milliards $ du fonds PetroCaribe s’accrochent désespérément à la théorie faisant du suicide la cause de la mort de Caroline Estimé. Mais la grande majorité rejette cette assertion d’un revers de main.

D’abord, dans l’entourage de la famille de la défunte et au sein de ses amis et de personnes évoluant
dans son monde est avancé l’argument selon lequel elle n’est pas connue d’avoir été une consommatrice de drogue. D’autre part, à 42 ans, et mère d’une adolescente, rien au monde ne peut expliquer qu‘elle ait décidé de se suicider, laissant sa fille à la merci d’un monde cruel et exploiteur. C’est, d’ailleurs l’argument qu’a soutenu Marie France Claude, une des filles du défunt pasteur Sylvio Claude, dans le cadre d’une émission de radio, à la capitale haïtienne. D’une manière générale, les femmes repoussent sans appel cette théorie.

Pour l’instant, la famille de la défunte traverse une période de peine et de chagrin extrême qui  l’empêche de rationaliser ses pensées par rapport à cette disparition soudaine de sa bien-aimée
et la mettant dans l’impossibilité d’intervenir sur cet incident malheureux. Il faut souhaiter que, ce
moment passé, elle puisse être animée du courage nécessaire pour poser les questions qui s’imposent à ceux qui détiennent les réponses. Afin que soit obtenue justice pour elle-même et la défunte. LJ


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Obserrvateur, édition du 08 août 2018 et se trouve en P. 12, 16 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/08/H-O-08-Aout-2018-2.pdf