l’Ordonnance du Juge Instructeur Rendue… ; Plusieurs Personnes Inculpées

LE DOSSIER DE LA CONTREBANDE D’ARMES À SAINT-MARC AVANCE

L’ordonnance du juge instructeur rendue… ; Plusieurs personnes inculpées : Godson Orélus, Vladimir Paraison, Roro Nelson…. Par Léo Joseph

L’affaire de contrebande d’armes et de munitions de Miami, Florida, vers le port de Saint-Marc, Haïti, en septembre 2016, avance. Sous fortes pressions de la justice américaine voulant identifier les vrais responsables de ce réseau de contrebandiers, le juge instructeur a rendu sa décision. Me Leumérant, le juge instructeur de Saint-Marc, a rendu son ordonnance définitive. Plusieurs responsables de la Police nationale, dont l’ex-directeur général, Godson Orélus, se trouve en prison, depuis bientôt deux mois. La majorité des inculpés sont présentement recherchés par la police et considérés, désormais, comme des fugitifs.

Avant même que le juge Dieunel Leumérant eût rendu son verdict, les rumeurs de l’inculpation de l’ex-ministre de l’Intérieur de Michel Martelly, Réginald Delva, faisaient le tour de la capitale. Il en était de même pour Vladimir Paraison, ex-coordonnateur de l’Unité centrale de sécurité du Palais national (UCSPN), qui avait, dit-on, pris la fuite. Un fait qui a été colporté suite à sa mise en disponibilité personnellement par le président Jovenel Moïse. Sous fortes pressions des Américains pour se défaire de Paraison considéré son homme lige au sein de la PNH, un legs de Michel Martelly, qui l’avait fait transférer du Cap- Haïtien à Port-au-Prince. À son nouveau poste, Martelly lui avait confié la responsabilité de mettre sur pied la Brigade d’opération interne départementale (BOID) dont la mission consistait à mater les manifestations qui ne cessaient de se proliférer. Des mandats de comparution décernés

En contact permanent avec les responsables de la justice américaine, le juge Leumérant menait l’instruction du dossier depuis déjà plus de deux ans. Mais c’est surtout au cours des six derniers mois que le cheminement s’est accéléré, les Américains ayant progressivement multiplié les chiquenaudes jusqu’à ce que leur propre enquête de ce même cas à Miami, en Floride, eut donné la preuve que l’exportation illégale de la cargaison d’armes et de munitions en question avait derrière elle de gros potentats du gouvernement haïtien. C’est donc dans le but de mettre la main au collet de tous les « bandits », grosses légumes du pouvoir, menus fretins hors du pouvoir et leurs alliés du monde des affaires, ainsi que les auteurs intellectuels de cette vaste opération, que les autorités américaines mettent tout en œuvre pour appréhender tous les acteurs.

Il semble que le juge Leumérant dépend des Américains pour avancer avec le dossier. Puisqu’il était question d’ordonner une main levée en faveur de Godson Orélus. Pendant que l’avocat de l’ex-directeur général de la PNH attendait du juge pour qu’il émette son ordonnance de levée d’écrou en faveur de son client, le magistrat devait disparaître du tribunal par une porte arrière. Selon toute vraisemblance, le juge Leumérant n’était pas sûr de la manière dont les autorités judiciaires américaines allaient traiter le cas Orélus. C’est pourquoi il s’était dérobé pour éviter de se retrouver en porte à faux par rapport au prévenu aussi bien qu’à l’endroit de l’entité américaine chargée de tirer le vrai du faux dans cette affaire d’importation illégale d’armes et de munitions.

Deux ou trois semaines après la mise en état de Godson Orélus, le juge instructeur avait ordonné la comparution de Sandra Thélusma, partie de l’équipe qui arriva à la Douane de Saint-Marc pour prendre possession de la cargaison d’armes, lorsqu’elle et les autres personnes qui l’accompagnaient, dont le sénateur Hervé Fourcand, s’étaient rendu compte qu’elles ne pouvaient récupérer le camion à bord duquel étaient stockées les armes et les munitions. En se présentant devant le juge, Mme Thélusma allait connaître le même sort que Godson Orélus. Puisqu’une ordonnance d’écrou a été également émise contre elle.

À noter que des ordonnances de comparution avaient été déjà émises à l’encontre de Réginald Delva et Dimitri Paraison. Des sources crédibles ont fait savoir que le premier avait souverainement ignoré le juge; tandis que le second avait introduit une motion en cassation par laquelle il a récusé le juge Leumérant.

Ordonnance finale du juge Leumérant

Comme on le sait, la roue de la justice haïtienne tourne à un rythme péniblement lent, contrairement à celle des États-Unis. Les deux frères Joseph, Jimy Joseph, représentant la société Global Dynasty Corps S.A., en Haïti, et Junior Joseph, patron de la Global Dynasty LLP, à Orlando, Florida, sont inculpés en Floride. Pour avoir planté un informateur au sein des frères Joseph, les autorités judiciaires américaines étaient en mesure de recueillir toutes les informations relatives aux acteurs tant en Floride qu’en Haïti. Aussi, quand elles demandent au juge Leumérant de mener l’enquête en Haïti, les Américains connaissaient déjà l’identité de tous les acteurs. Cela veut dire que les autorités judiciaires américaines savent déjà à quoi s’attendre en ce qui a trait aux personnes impliquées dans la contrebande d’armes et de munitions par le truchement de la Global Dynasty Corps S.A., une société qui n’existe pas en Haïti, d’après l’enquête du juge d’instruction de Saint-Marc.

Pour toutes ces raisons, les responsables américains semblent avoir décidé de laisser à la justice haïtienne d’inculper les accusés en Haïti, quitte, le moment venu, à confronter les témoignages des acteurs ultérieurement, en Haïti et en Floride, afin de faire jaillir la vérité.

L’ordonnance finale du juge Leumérant donne la liste des personnes inculpées. Il s’agit de : Godson Orélus, ex-DG de la PNH, déjà en état ; Sandra Thélusma, également en état ; et les autres qui sont des fugitifs. Ce sont : Jimmy Joseph, Junior Joël Joseph, Monplaisir Édouard, Ronald Nelson, alias Roro Nelson, André Jonas Vladimir Paraison, Durand Charles, Réginald Delva.

Le verdict donne des précisions sur l’infraction : Trafic illicite transnational d’armes à feu et des munitions, contre- bande, faux et usage de faux, blanchiment de capitaux et association de malfaiteurs.

L’ordonnance précise encore que, à part M. Orélus et Mme Thélusma, qui se trouvent incarcérés à la prison de Saint-Marc, les autres inculpés sont tous en cavale.

Paraison en fuite avec 10 policiers

Selon toute vraisemblance, les inculpés en cavale bénéficient de la protection de ceux qui devraient exécuter l’ordonnance du juge. Car Réginald Delva faisait partie de la délégation ayant accompagné le président du Sénat, Joseph Lambert à une rencontre avec l’ambassadeur Kenneth Merten, à Washington, la semaine dernière.

D’autre part, Vladimir Paraison a « pris la fuite » avec dix policiers, à bord des véhicules de la Police nationale.

En clair, Paraison, qui est parti immédiatement après son limogeage par le président Moïse, n’aurait pu laisser dans de telles conditions s’il n’avait le feu vert du Palais national. Il faut conclure que Jovenel Moïse ne croit pas que le haut gradé, qui vient d’être démis de ses fonctions, ne constituera pas une menace pour son gouvernement. Dans le même ordre d’idées, Paraison est parti, rassuré que sa famille n’ait à se soucier de rien durant son absence. Si effectivement il a laissé le territoire national.

Mais on doit aussi se demander où l’ex-coordonnateur de la UCSPN peut se cacher pour se soustraire à la justice, même haïtienne, dès lors qu’il est recherché par l’Interpol; et que ce cas de contrebande d’armes et de munitions sera traité en tandem avec celui qui sera entendu au Tribunal fédéral du District sud, qui est à Miami, en Floride.

Comme Haïti-Observateur l’avait souligné, tout au début, ce cas constitue le talon d’Achille du régime tèt kale. Il est susceptible de déboucher sur d’autres cas de contrebande, y compris le trafic illicite de drogue, un passe-temps quasiment universel en Haïti. C’est sans doute pour cette raison que la plupart des personnes convoquées par le juge d’instruction de Saint-Marc tendent à se rebeller. Il est fort possible que Vladimir Paraison se trouve dans cette situation.

L.J.


ERRATUM : Une erreur s’est glissée dans l’article concernant Vladimir Paraison publié dans l’édition du 28 novembre-5 décembre 2018. L’erreur vient du fait que la photo présentée pour illustrer ce dernier était celle du commissaire Ralph Stanley Brice. La Rédaction d’H-O s’excuse auprès de M. Brice pour cette méprise.

cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 05 décembre 2018, P.1, 8, 15 et se trouve à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/12/H-O-5-decemb-2018-1.pdf P. 1, 8, 15