Affrontement Moïse-Jouthe # 1; Le second ne tardera pas… par Léo Joseph

Affrontement Moïse-Jouthe # 1; Le second ne tardera paspar Léo Joseph

  • L’IMPLOSION SURGIRA-T-ELLE PLUS TÔT OU PLUS TARD ?

Il y a moins de deux mois, le tandem Moîse-Jouthe était perçu comme le mariage idéal, Jovenel Moïse, le mari de rêve, Joseph Jouthe, l’épouse parfaite. Le Premier ministre de facto venait tout juste de déclarer allégeance à son patron, quasiment prenant le serment de taire ses positions personnelles en signe d’obéissance absolue à son patron. Cela avait tant l’air de plaire au président se croyant «chef» dans toutes les fibres de son être. Mais les choses ont failli, dans l’espace de quelques minutes, au Palais national, la semaine dernière, tourné au vinaigre.

Sans l’ombre d’un doute, quand le mot «démission» a été évoqué dans l’interaction Président de la République-Premier ministre, il y a lieu de craindre qu’encore un tout petit peu, ce qu’on prenait pour parfaite harmonie aurait, sans sommation, basculé dans le chaos. Mais comme on dit souvent, le malheur épargne une fois, mais n’oublie pas définitivement. À coup sûr, la semi-altercation, sinon désaccord, qui s’était produite entre l’occupant du Palais nationale et celui de la primature risque, à coup sûr, de se reproduire. Reste à savoir quand.

En effet, il semble que Joseph Jouthe ait été projeté dans un environnement où il ne fait pas bon évoluer. Selon toute vraisemblance, par rapport à son idéologie, le Premier ministre de facto «a la sensibilité politique à fleur de peau». Une attitude qui semble être conditionnée par l’insatisfaction de certains parents à l’égard de la posture d’allégeance du premier jour. Comme parlant d’une seule et même voix, là où M. Jouthe trouve son port d’attache, c’est-à-dire sa base naturelle, là où il revient toujours quand toutes les portes sont fermées ailleurs, il s’est entendu dire que les propos d’allégeance sont «inacceptables». Sur ces entrefaites, un geste s’avérait nécessaire pour prouver qu’il n’est pas véritablement prêt à se laisser marcher dessus.

Il faut reconnaître la corruption là où il montre le nez

Il semble que l’opération du trio Martelly-Saint-Rémy-Champagne ait fourni au Premier ministre de facto l’occasion qu’il cherchait pour reprendre ses droits, afficher son indépendance par rapport à un chef d’État qui croit le posséder, mais, pourtant, qui fait marche-arrière par rapport à son vœu d’abandon de soi.

Michel Martelly n’avait aucune idée que le propre Premier ministre du régime PHTK, dont il est le patron numéro 1, allait tenter d’arrêter la course aux millions de son équipe. C’est précisément l’échec qu’il a essuyé lorsque Kiko Saint-Rémy et Gesner Champagne (ses deux beaux-frères) sont arrivés en hâte pour lui dire que Joseph Jouthe mettait les bâtons dans les roues de leur projet, refusant d’autoriser les USD 18 millions $ dont ils ont besoin pour financer l’achat des équipements et fournitures qu’ils avaient commandés auprès d’une compagnie chinoise.

Le Premier ministre de facto croit avoir découvert une opération de corruption, en ce sens que les deux proches de Martelly n’ont pas les capacités, encore moins l’expérience, pour mener à bien une telle entreprise. Selon lui, l’unique raison qui favorise l’octroi des fonds recherchés s’explique par l’unique fait de leur relation avec l’ancien président. Cela s’appelle «corruption», raisonne-t-il. Le projet ne passera pas. Les USD 18 millions $, moins les USD 7,2 millions $ de commission destinés au tandem Saint-Rémy-Champagne n’atterriront pas en Chine.

Il s’est donc immédiatement développé un bras de fer entre Moïse et Jouthe. Jovenel Moïse n’est pas homme à opposer un non catégorique à Michel Martelly. De toute évidence, c’est plutôt Joseph Jouthe qui va être le dindon de la farce. Il y a de quoi frustrer un Premier ministre qui croit découvrir la corruption, quand bien même il serait de facto. En tout cas, dans l’optique de Joseph Jouthe, la décision de Jovenel Moïse de trancher en faveur de Martelly et ses deux beaux-frères est un cas de lèse dignité. Mais un homme d’État, qui croit avoir la responsabilité de combattre la corruption, peut-il cohabiter avec un patron qui prétend faire la guerre à celle-ci alors qu’il protège tous ceux qui s’y complaisent ?

Y a-t-il cause de démission ?

Près d’une semaine après le fâcheux incident, Joseph Jouthe est encore ferme au poste. D’ailleurs il a fait des nominations importantes depuis lors. S’il avait donné vraiment sa démission, il a dû avoir de bonnes raisons de ne pas tourner le dos à Jovenel Moïse.

Toutefois, les relations entre les relations entre les deux hommes ne seront plus les mêmes. Mais pas d’illusion ! Jovenel Moïse ne pardonnera jamais à Joseph Jouthe d’avoir l’effronterie de penser à démissionner.


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. L No.12 New-York, édition du 1e avril 2020 et se trouve en P.1, 3 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/04/H-O-1-april-2020-1.pdf