Claudy Gassant à l’ULCC : Un défi qui a mal tourné par Léo Joseph

CORRUPTION ET IMPUNITÉ À L’ÈRE DE JEVENEL MOÏSE

  • Claudy Gassant à l’ULCC : Un défi qui a mal tourné par Léo Joseph

Claudy Gassant a surpris tout le monde quand il a été nommé directeur général de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). Sa révocation spectaculaire par Jovenel Moïse, sous la dictée de Renald Lubérice, secrétaire du Conseil de ministres, a exaspéré certains et déclenché l’insulte chez d’autres, ceux qui se demandent qu’est-ce qu’il était allé chercher «dans cette galère». Mais personne ne semble comprendre la mission dans laquelle s’était embarqué l’avocat que certains appellent l’enfant terrible. À écouter l’ex-juge d’instruction dans l’assassinat de Jean Léopold Dominique, sous Jean-Bertrand Aristide, raconter les mésaventures qui lui ont valu son humiliante mise à la porte comme chef de cette institution, on peut se faire une idée de ce qu’il avait en tête d’accomplir en trompant la vigilance des défenseurs de la forteresse de la corruption de Jovenel Moïse et y pénétrer.

Selon les informations qui étaient parvenues dans les média, Claudy Gassant avait lancé une campagne tous azimuts contre les barons de la corruption au sein de l’administration publique, sommant les grands manitous du pouvoir à faire leur déclaration de patrimoine dans les meilleurs délais. Suivant textuellement sa méthode par laquelle il pense que tous sont égaux devant la loi, le secrétaire du Conseil des ministres figurait sur la listes des premiers hauts fonctionnaires invités à remplir cette formalité. En attendant d’attendre le moment opportun pour demander au président lui-même de faire autant (nul n’est au-dessus de la loi?)

Mais un haut fonctionnaire de l’État devenu multimillionnaire avant un an, Lubérice n’a pu, ni n’a voulu présenter un relevé fidèle de son patrimoine. Sur ces entrefaites, le directeur de l’ULCC, constatant l’irrecevabilité du document, car le montant étant longtemps de loin inférieur à ce qui la fortune de Lubérice représente réellement, l’a convoqué à son bureau. Le secrétaire du Conseil des ministres n’ignore pas où cela peut amener avec Gassant, dont la réputation n’est pas à faire, s’est tourné immédiatement vers Jovenel Moïse en vue d’une action immédiate. On a constaté avec quelle rapidité, dans une administration où les décisions à prendre traînent en longueur, a été publié dans Le Moniteur l’arrêté présidentiel nommant Rockefeller Vincent directeur général de l’ULCC à la place de Claudy Gassant. Voilà sa carrière terminée brusquement, à peine 49 jours après sa prestation de serment.

Introduit dans le sein de Jovenel Moïse par Gabriel Fortuné

Claudy Gassant dit avoir été introduit à Jovenel Moïse par Gabriel Fortuné, ancien maire de la ville des Cayes, dans le département du Sud, aussi ex-sénateur de ce même département, aujourd’hui conseiller spécial du président haïtien.

Au sein du Grand Corps, M. Fortuné s’était toujours signalé comme un perpétuel dénonciateur de la corruption. Il semble qu’il porte toujours dans son cœur cette envie de lutter contre ce fléau. Dans son cercle familial, il ne cache pas son envie d’accéder à une haute fonction où il pourrait faire librement la «chasse» aux agents de la corruption, de Duvalier à ce jour.

Il semble qu’il ait découvert son cheval de bataille, en la personne de Claudy Gassant. Tout porte à croire que Gabriel Fortuné a trouvé en Gassant une sorte d’alter ego, par l’intermédiaire de qui il pourrait mener cette campagne. De son côté, l’ancien juge instructeur, qui a la fougue et le don de faire respecter la loi avec une mentalité de baroudeur, semble croire trouver en Fortuné le protecteur idéal pour mener la lutte qu’il entend promouvoir.

En tapinois dans l’univers de Jovenel Moïse, l’ancien maire des Cayes donne l’impression qu’il voulait s’insinuer dans les vues de son patron jusqu’à atteindre le sommet du pouvoir où il peut ou bien gagner Jovenel Moïse à sa cause, ce qui serait une preuve de naïveté sans pareille, ou bien attendre le moment où la réalité politique peut lui offrir les possibilités d’agir en toute liberté.

Ce n’est pas tout à fait sûr si les deux hommes suivaient séparément leurs objectifs. Mais c’est ne pas connaître Jovenel Moïse aussi de s’imaginer qu’un tel projet est réalisable à l’abri de son pouvoir. Si tel était vraiment le projet en gestation, Claudy Gassant serait bien naïf aussi de penser qu’il pouvait compter sur Gabriel Fortuné pour mener à bien son projet. L.J.


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 29 janvier 2020 VOL. L, No. 4 New York, et se trouve en P. 1, 16 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/01/H-O-29-janvier-2020-1.pdf